L'ermitage Bilon

L'ERMITAGE BILON

Le second point qui devrait, selon nous, retenir l’attention, est celui du mystère des ossements découverts vers 1830 sur la Butte Bilon. Notons qu'il existe, dans le calendrier des saints orthodoxes, un saint-Bilon (en grec Vilon), né à Tanis en Egypte et décapité vers 305-310 à Thessalonique. On le fête le 2 juillet.

Selon les études faites sur les dépouilles trouvées à Longemer, la datation donne ces ossements vieux de 800 ans à plus d’un millénaire. Ils seraient ceux d’un homme plutôt jeune et en parfaite santé. Ce qui est curieux est le fait que, selon les inventeurs du site, le squelette découvert, assez bien conservé dans son auge de pierre, était entouré ou ceint de chaînes.

Chapelle du lac de Longemer

(où sont conservés les restes de Bilon, ses chaînes

et une image à la plume d'une vierge noire).

Deux hypothèses peuvent expliquer ce fait. Soit ces chaînes étaient un instrument de mortification comme en portaient de nombreux religieux. Soit il s’agissait d’un objet rituel destiné à "coder" le cadavre.

Dans les deux cas, et en particulier dans le second, on ne peut imaginer que l’homme les portant se soit, lui-même, placé dans l’auge, ait tiré sur lui le couvercle et se soit ainsi laissé mourir. Cette mise en scène macabre suppose, à notre avis, l’intervention d’au moins une personne extérieure, voire même de plusieurs. Ce qui implique, à notre sens, que l’ermite Bilon, s’il s’agit bien de lui, n’était pas seul.

On a émis l’hypothèse selon laquelle il aurait pu s’agir d’un moine desservant de la chapelle, décédé là 200 ans après Bilon? Ne pourrait-il aussi s’agir des restes de Gérard d’Alsace, mort empoisonné à Remiremont en 1070, âgé de 50 ans environ, et dont on n’a jamais retrouvé la sépulture? Aurait-il été transporté là pour le soustraire à quelque vengeance posthume?

Il n’entre pas dans notre propos de formuler plus avant sur l’identité réelle du corps retrouvé au dessus des ruines de la chapelle dite de Bilon, et non à côté, ou dans son sol même. Arrêtons nous plutôt sur les fameuses chaînettes ou mieux chaînes vu la taille, quand même respectable, des anneaux. Pour notre part, nous pensons à un "codage" assez familier des anciennes corporations. Et nous lisons cette présentation du corps "sépulcre, mort, chaîne, lié".

Il pourrait s’agir d’une sanction appliquée sur un vivant pour le punir d’avoir trahi le secret de métier. Ce serait en quelque sorte une variante des "amours murmurants" symbolisés par deux angelots se parlant à l’oreille. Amours murmurants et qu’il faut entendre "à mort (par le) mur murant"?

Un homme de noble naissance qui aurait trahi ceux de sa caste au profit d’une caste inférieure?

Il pourrait s’agir d’une allusion au ministère de Pierre qui avait, et ses successeurs après lui, le pouvoir de lier et de délier les choses du ciel et de la terre, sur la terre et dans le ciel, et/ou, une allusion au pouvoir de Barthélemy qui avait, lui, le pouvoir de lier les idoles dans des chaînes de feu, voire même celui d’enchaîner la mort.

Ce serait alors une affirmation de foi dans la vie éternelle, en la vie en esprit. Seul un homme de qualité, religieux de surcroît, pouvait avoir cette espérance.

Le tombeau dans lequel étaient les restes semble avoir été détruit ou n'a pas été retrouvé. C’est dommage car son examen aurait pu permettre de compléter les hypothèses ci-dessus. S’il avait été décoré de motifs floraux, son occupant aurait pu être identifié comme étant un sectateur du sépulcre de Flore, vieille secte aristocratique. Décoré de croix pattées, sans doute aurait-il été Templier?

La chaîne(tte) est aussi un instrument de bâtisseur qui permet d'obtenir, sans calcul, le profil idéal d'un arc d'ogive quand on en connaît le carré base. Pourrait-il s'agir de ce constructeur étranger, alsacien, évoqué par le Chanoine Laurent, cité par Léon Fresse dans son opuscule de 1964?

Dans ce cas le "sépulcre, mort, chaîné" serait une référence directe au vieux mot des Maîtres Maçons que les Chrétiens proclament eux aussi sous la forme "Il est Vivant". C'est, à tout le moins, l'affirmation d'une belle espérance et de la supériorité de l'esprit sur la matière ainsi que sa liberté sur le corps. Une autre acception nous incline vers cette hypothèse.

Dans le vieux français un maçon maçonnant, au moyen du mortier, s'appelait un "mortelier". Soit l'a-peu-près phonétique "(sépulcre), mort, lié" ou le "tombeau d'un mort(e)lie(r)". Et en hébreu le mot "machab" dérivé de "machabée" signifie marteau qui est un instrument de constructeur mais aussi une masse d'armes. En l'absence d'une preuve probante… spéculons et espérons que, libre dans le sépulcre, notre homme se soit relevé plus radieux que jamais!