L'ancien blason de Gérardmer
"de gueules au cerf d’argent sur une terrasse de même".
Après une longue errance, le groupe ayant à sa tête"Celui qui connaît les secrets" et "Celui qui a vaincu ses ennemis", parvint à une sorte de surplomb, dégagé du fond marécageux de la vallée, assez loin des eaux boueuses du ruisseau qui coulait en direction du soleil levant. Se trouvait là, à proximité de ce qui était alors un fort torrent, une grosse roche de couleur sombre. En riant les membres du groupe lui donnèrent un nom en rapport avec sa forme et sa couleur "L’M’R’L'" qui se prononçait encore au 18ème siècle, au moment des événements relatés par ce récit, "l’Auméréye",
A son sommet l’homme médecine, celui qui connaît les secrets, invoqua les esprits tutélaires du clan. Il sortit de son sac une statuette de femme et la présenta au groupe. Puis, successivement, à chacun des points cardinaux de la vallée avant de la poser à même la roche. "G’ R’ MAïA" s’écria-t-il. "G’ R’ MAïA" répondit par trois fois le groupe en hommage à la déesse mère ARMAïA qui était honorée par les anciens peuples d’Europe.
Au fil des siècles, cet endroit devint GERARDMER, en mémoire, dit-on, d’un duc de Lorraine qui y aurait eu une maison, ou, d’un saint ermite qui y aurait propagé le culte de saint Gérard évêque de Toul. La pierre, quant à elle, devint "l'Auméréye" ou pierre de l'aumône.
Bien plus tard, par un beau soir de printemps 1731, un pèlerin, venant d’on ne sait où, et se dirigeant vers saint Jacques de Compostelle, parvint à Gérardmer.
Il se menait alors grand bruit dans la ville. Le lendemain devait en effet avoir lieu un événement considérable dont même les plus anciens n’avaient jamais entendu dire qu’il fut possible. Il y avait pourtant parmi eux des vieux qui avaient vu l’effet de la poudre, de la mitraille et des balles.
Demain donc on allait faire sauter "l’Auméréye" à la poudre à canon. Le but avoué, après trente années d’âpres discussions entre bourgeois, était de dégager la place où devait s’élever la nouvelle église de la ville*. C’est qu’il y avait ceux qui tenaient pour un simple agrandissement de l’église de Champ** et ceux qui, emmenés par le curé Poirot, en voulaient une plus grande, une plus belle. Mais qui surtout, et c’était là le but secret de l’entreprise, voulaient christianiser un lieu à leurs yeux trop païen.
La tradition faisait que ce gros rocher était un endroit où, bien sûr, les pauvres pouvaient recevoir l’aumône, mais aussi, et surtout, un lieu de réjouissances, de licence même. Pensez donc les jeunes gens y dansaient à sarabandes et y "dônaient"***. De plus, ne disait-on pas que les druides y avaient célébré leurs cultes?
Et chacun y allait de son commentaire et tentait de prendre le pèlerin à témoin du bien fondé de son point de vue. Celui-ci, prudent, et qui tenait à coucher dans un bon lit, écoutait tous et chacun en ne pipant mot.
Le lendemain arriva donc. Une foule nombreuse était réunie autour de la place gardée par les sergents venus des garnisons voisines. Il y avait là tout ce que la ville comptait de bourgeois et de manants. Tous ces gens, pour la plupart liés par des liens de cousinage plus ou moins étroits, se connaissaient bien et échangeaient maintes bises sur les joues et force claques sur l’épaule.
Au centre de la place, les artificiers s’activaient autour de la pierre pour placer la poudre de telle façon que l’explosion soit la plus efficace possible. Il y avait aussi le curé et ses vicaires en grand habit de cérémonie, entourés des enfants de chœur en robe rouge dont les surplis s’envolaient au vent.
Il y eut tout à coup conciliabule entre le maître artificier, le maire et le curé. Le maire fit de grands gestes pour imposer silence à l’assemblée. Lorsque celui-ci fut établi l’édile entonna un long discours auquel on ne comprit goutte et dont personne n’a conservé la trace. Le curé fit de même avant de se retirer sous la tribune à l’abri des risques de projection. Tout le monde se mit à couvert. On bouta le feu à la mèche rapide. Elle fusa avec beaucoup de fumée.
SCHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII fut le seul bruit qu’on entendit pendant un moment qui parut interminable et qui se termina par un BABOUM retentissant répercuté à l'infini, en échos successifs dans la vallée BA BOUM BOUM BOUM…
Un cri de stupéfaction parcourut l’assistance. Dans le rougeoiement de l’explosion chacun a pu voir apparaître un grand cerf blanc, majestueux, hiératique même, étincelant comme glace au soleil. D’un bond prodigieux le magnifique animal s’éleva au dessus du cercle des badauds. Nul ne sut jamais s’il s’en était allé vers le lac et la forêt ou s’il s’était enlevé vers le ciel. On n’en n’entendit plus jamais parler, bien que son souvenir se soit conservé dans les armoiries de la ville.
L’épaisse fumée, née du mariage de l’explosif et de la pierre, couvrit l’espace pendant de longues minutes. Enfin on put voir le résultat d’un si grand prodige. Il ne restait rien de la grosse pierre. Rien d’autre que quelques blocs qui seraient facilement réduits en morceaux plus petits. Tout le reste n’était que grains plus ou moins gros qu’on s’efforçerait de rassembler pour servir aux fondations de l’église.
Le pèlerin, comme tout le monde, avait assisté au spectacle. Pourquoi pensa-t-il à ce moment à ce qui se passa au pied de la Croix lorsque le Seigneur Jésus rendit son âme? Pourquoi pensa-t-il qu’il venait d’assister à la mort du Juste? Pourquoi se sentit-il mal à l’aise en regardant ce qui restait de la grosse pierre?
C’est lentement, comme à regret, qu’il se sépara de la foule au sein de laquelle s’entendaient des rires mais aussi des femmes et des hommes en prière. Certains disant même «Mais qu’avons-nous fait là? Espérons que nous n’aurons pas à le regretter ni nos descendants non plus».
Il descendit la pente douce qui menait au lac avec l'intention de reprendre sa route. Il s’arrêta soudain, comme frappé de stupeur, ou par quelque foudre invisible. Incrédule, il frotta ses yeux et se donna plusieurs coups de bâton sur la tête. Il eût beau faire, elle était là, devant lui, et il la voyait de ses yeux, tandis que, les passants, occupés à commenter l’événement, semblaient rien voir de ce qu'il voyait.
Elle, c’était une jeune et jolie bergère qui filait sa quenouille, près d’une source, appuyée à une grosse pierre dans laquelle se trouvait enclose comme une perle unique. Cette perle était d’une taille extraordinaire, d’une eau parfaite qui laissait voir en son sein l’image d’une petite statuette.
Lorsqu’il vit la bergère, le pèlerin en tomba immédiatement amoureux. Quand il reprit conscience, il se rappela ce vers de Virgile, célébrant la beauté de la belle "Amaryllys". Il se rappela aussi sa légende qui disait que, pour avoir filé sa quenouille le jour et dans le pré dédié aux dieux, ceux-ci l’en avaient punie en l’enfermant dans la pierre à laquelle elle s’appuyait. Il ne laissèrent d’elle qu’une jolie fleur odorante et un papillon annonciateur des beaux jours de l’été.
Le pèlerin découvre la "perle". |
Ce qui se passa par la suite est une autre histoire. Mais, c’est ainsi que naquit, n’en doutons pas, la légende de la "Perle des Vosges" et, sur un ciel rougeoyant, celle de son "cerf perlant" qu'on dirait presque "parlant".
Aujourd’hui, il arrive encore qu'on entende sur les routes de Compostelle, prononcer le nom de ce qui fut, il y a fort longtemps, "Gé RaR Maïa" ou le "Pré du germe et des eaux de Maïa", dont les hommes d’aujourd’hui ont fait GERARDMER. Gérardmer qu’on prononce toujours, allez donc savoir pourquoi, "GE-RAR-Mé" et qui connut, au fil des siècles suivants cette année 1731, la tempête, l’incendie et la destruction presque totale par l’explosif.
Virgile aurait-il eu raison d'écrire que "Le loup est chose terrible pour les étables, la pluie pour la moisson mûre, le vent pour l'arbre, et, pour nous, la colère d'Amaryllys"?
Ami, visiteur, si ton regard est assez pur, si tu as gardé ton âme d’enfant, regarde cette fontaine. Peut-être y verras-tu, toi aussi, le secret de la "Perle des Vosges".
La Perle des Vosges
et le Pèlerin à qui des malfaisants
ont volé la lanterne et le bâton
Par leur créateur Daniel PetitGenet Compagnon Tailleur de Pierres |
* L'église actuelle est une reconstruction de 1954 après sa déstruction en 1940.
** Le lieu dit "Champ" ou "Camp" est l'emplacement du l'actuel cimetière sur lequel se dressait l'église primitive de Gérardmer.
*** Le "dônage" était une ancienne coutume où les jeunes fiancaient tel et telle au cours de réjouissances.
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Nous te remercions pour ce merveilleux travail ….
RépondreSupprimerC’est tres riche et tres interessant à lire et à “ contempler “ ..
En effet celui qui a assemblé et ecrit tout cette présentation donne la preuve d’ AIMER profondément et sincèrement ce beau pays et les allentours de GERARMER. Merci de nous avoir fait partager cet oeuvre magnifique.
John
PAS MAL DU TOUT TOUTE CES EXPLICATION
RépondreSupprimerMes meilleures félicitations pour votre superbe site ! Parfait !!!
RépondreSupprimervoyance par mail rapide
J’avoue que vous faites un travail extraordinaire qui me fascine.
RépondreSupprimerDe Meyonville (l'auteur)
RépondreSupprimerMerci à tous de vos commentaires élogieux et enthousiastes. Ils me touchent... merci encore.
Mais n'y a-t-il aucune critique, personne pour contester mes approches???
Soyez sûrs que je ne m'en offusquerai pas... au contraire.
Alors lâchez-vous!!!
Coucou, article super intéressant alors un grand merci à toi.
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