QUAND LES JEUX DE MOTS NE SONT PAS DE MOLLETS
Petit aperçu sur la Langue des Oiseaux appliquée à quelques mots et lieux-dits
Nous avons déjà évoqué cette langue particulière aux temps où les hommes et les animaux parlaient un idiome aujourd'hui (presque) disparu. Il y est fait allusion dans les contes et légendes des Vosges, notamment à propos d'un meurtre qui aurait été commis par trois malandrins sur un honnête voyageur un peu fortuné, au lieu dit "La Croix des Oiseaux". Des corbeaux, témoins du drame et horrifiés par sa violence, volèrent jusqu'à l'auberge proche. Ils y dénoncèrent les criminels qui arrosaient leur bonne fortune mal acquise. Les corbeaux utilisèrent pour cela les mots des hommes.
Il est plusieurs points qui méritent examen à la lumière de cette vieille langue qui se parle encore en quelques lieux éclairés où l'on sait rendre visibles les étoiles.
LA SEMBTREMEYE
Le premier d'entre-eux où porter notre attention est celui de la relation existant entre le nom du patron de la ville, Barthélemy, qu'on célèbre le 24 août, et celui patoisant de la fête patronale "Sembtréméye". Selon d’anciens gérômois ces deux mots sont équivalents. Mais la question se pose de savoir comment l’on passe du nom du saint à celui de sa fête? Sachant qu'il existe en néerlandais un mot "sint", pour désigner un saint, admettons la déclinaison "saint, san, sant, samb, semb", encore qu’elle nous paraisse bien "capillotractée" ou tirée par les cheveux,.
Reste "tréméye". En français, un "tramail" est un filet dont on se sert pour barrer les rivières et capturer le poisson. C’est aussi la "trame" qui forme ce filet C’est encore le "crible", la "trémie" ou le "tamis", la "trémolle" ou "tarare" qui sert à égrener toutes sortes de grappes. Serait-ce une évocation du dépeçage "égrenage" auquel le saint fut soumis ? Une "Sainte Trémie" en quelque sorte ?
Pour notre part, en nous appuyant sur le Missel Vespéral de Dom Lefebvre (édition de 1922) et sur la note suivante du livre intitulé "Au Pays des Lacs" édité par les Ménestrels de Gérardmer, nous nous estimons fondés à voir dans cette fête une fête de "saint-Rémy" : "Deux jours après la rentrée des troupeaux, dit cette note, c'est la saint-Rémy, anciennement célébrée le 1er octobre, jour de foire qui se tient maintenant à la saint-Barthélemy le 24 août".
Cela nous ramène à la "Pierre de l'Au-méréye" qui aurait très bien pu être une table sur laquelle on aurait joué au "méreaux" ou avec des "mérelles" ou "méréyes" et autour de laquelle on aurait dansé à la lumière de "ramailles" (branches) ou "réméyes" enflammées? Cette dernière expression ne serait-elle pas un nouveau masque destiné à voiler une autre référence ? Il n’y a en effet pas loin de "Sembtréméye - sainte trémie" à "saint-Rémy" ou "sant-réméye".
"Rémy", fut ce saint qui convertit Clovis le Franc Salien au Christianisme et avec lui toutes les Gaules vers le cinquième siècle. "Rémy" fut l’auteur du pacte dit "De Rure Bosco" (Des bois et des champs). Par ce pacte, le pouvoir royal accordait aux forestiers le droit irrévocable de défricher la forêt pour étendre le domaine cultivé afin de satisfaire aux besoins de la population et de son accroissement.
La trahison de ce pacte – renouvelé de sacre en sacre – était, dit-on, punie de mort. Le roi renégat, le "chat" dans l’argot des anciennes corporations, le "RAMINAGROBIS" de Rabelais et La Fontaine, ou le noble, son représentant local, était écorché vif, pendu et décapité.
Louis XVI, complice volontaire ou passif d’un odieux pacte de famine, dont la partie visible fut une spéculation effrénée sur les denrées alimentaires à l’origine probable de la Révolution de 89 avec quelques autres causes, l’aurait ainsi, bien loin de quelque supposée vengeance templière, payé de sa vie ainsi que toute sa famille.
Les Gérômois qui revendiquèrent souvent pour faire valoir, défendre et étendre leurs droits fondamentaux, marquèrent-ils ainsi discrètement leur attachement au pacte ancien ainsi qu’au roi dès lors que, celui-ci, garantissait et respectait ou faisait respecter le contrat?
Peut-être fêtaient-ils cela une fois par an, après que soient achevés les travaux d’été et avant que commencent ceux d’automne, au cours de la semaine de la saint- Rémy, semaine de réjouissances, "sans travail", devenue au fil du temps, sant réméye, "sembtréméye"?
Pour notre part, nous admettons cette dernière acception dans la mesure où, en relation avec une semaine de réjouissance sans travail, était l'occasion de jouer sans désemparer au jeu très répandu du "trémerel" (devenant trémeréye puis tréméye?) qui se jouait avec 3 dés ou méreaux. Ce jeu (genre bonneteau) a fait l'objet de nombreuses condamnations ecclésiales car il s'accompagnait, selon l'Abbé Gilbert déjà cité, d'abondantes beuveries.
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