Le Jardin des origines

Image due à l'extrême amabilité de Mme Laheurte de "La Trinité"

 qui a bien voulu nous confier son exemplaire du premier tome de l'ouvrage de l'Abbé Gilbert

Tous les auteurs qui ont écrit sur Gérardmer se sont accordés pour dire qu'on ne sait pas grand chose sur le pays tel qu'il pouvait être dans les temps d'avant l'histoire. Des hommes ont-ils vécu en ces lieux à l'époque du grand glacier primitif qui couvrait toute la région depuis le Hohneck et la ligne de crêtes jusque vers Saint-Dié, Remiremont voire Epinal? Nul ne le sait.

L'un de ces auteurs émit l'hypothèse que, peut être, un peuple venu d'Orient, voire même du sous-continent indien, de l'Asie lointaine, aurait pu y faire souche. Il va même jusqu'à affirmer, qu'à nos époques encore, quelques-uns des habitants de nos vallées, lointains descendants de ces ancêtres mythiques, en auraient conservé quelques traces morphologiques. Plus tard, avec la fonte des glaciers, un autre peuple – d'aspect assez différent – aurait colonisé nos contrées. Lui aussi se retrouverait dans les populations actuelles de la vallée.

Il est vrai qu'on peut, au hasard des rencontres, voir ici un grand aux cheveux clairs à l'allure hiératique, là, un petit brun de peau et de poils bâti tout en puissance. Il reste quand même que le type gérômois le plus habituel est dans la logique du français moyen… .

On peut affirmer, sans crainte de se tromper, que notre vallée a été occupée depuis des temps très lointains sans qu'aucune preuve probante permette d'en fixer précisément le siècle. Ce ne sont pas les quelques découvertes archéologiques, plus ou moins récentes, qui peuvent apporter un éclairage certain sur ces périodes qui couvrent jusqu’au Néolithique. D'ailleurs, les archéologues eux-mêmes conviennent que les Vosges, dans leur ensemble, sont loin d'avoir livré leurs anciens secrets. Il est vrai qu'elles constituent encore pour cette science un territoire à explorer, une terre vierge. Il ne reste donc qu'à faire preuve d'imagination sans pour autant laisser à la folle du logis la bride sur le cou.

Plan de la ville - vers 1914 - Avec trajet des tramways

Selon une étude sur le développement de l'artisanat en Lorraine (Georges LHÔTE – L'artisanat en Lorraine – Editions Mars et mercure – Strasbourg) :

• Entre 500 000 et 4 000 ans avant J.C., l'homme, de nu qu'il est aux origines, invente les fondamentaux de son progrès et de la civilisation. De simple cueilleur nomade, il devient peu à peu chasseur organisé, agriculteur sédentaire après être passé de l'usage de simple galets, à celui du feu, de la taille du silex au propulseur et à l'arc. Cette sédentarisation progressive s'accompagne de la domestication des animaux, de la culture des céréales, de la construction des premiers habitats et de l'emploi d'outillages de plus en plus élaborés. Cette évolution lui permet de se vêtir et de disposer d'un confort matériel inconnu des premiers hommes. Il sait construire des bateaux et développe les premières formes d'artisanat, notamment poterie, tissage, vannerie...
• entre 4 000 et 1 200 avant J.C., apparaissent les premières cités et l'art embellit palais et temples. Les maçons inventent l'arche, la voûte, la colonne... C'est l'âge du fer qui révolutionne les techniques de fabrication des outils. La pierre est abandonné au profit du métal, bronze d'abord puis fer. C'est l'époque de l'invention de la roue et de la voile, du métier à tisser et du tour du potier... Les arts d'agrément prennent leur essor et naissent ou progressent des métiers comme les verriers, les orfèvres, les ciseleurs... C'est l'apparition des premières corporations artisanales, des premiers alphabets, de l'écriture et d'un nouvel art de vivre.
• Entre 1200 avant J.C. à 500 après J.C., on voit naître la charrue à roues, le verre blanc, la roue à aubes, la porcelaine, la brouette... C'est aussi le début du travail industriel, de la production de séries, du capitalisme. L'essentiel de cette richesse est due à une population nombreuse souvent réduite à l'esclavage.

Cette lente évolution s'accompagne de nombreuses migrations et d'un grand brassage de peuples. 

Dans nos régions, la présence de l'homme est attestée en de nombreux points, notamment dans les plaines lorraines moins hostiles que les plateaux et la montagne vosgienne. Les premiers habitants sont chasseurs et nomades, s'abritant sous les roches. 

Dans la région de Gérardmer on a découvert divers objets datant du Néolithique et de la pierre polie (Guy VOIRIN - Gérardmer – La Vallée des Lacs – Editions SAEP – Colmar). Il semblerait donc que notre vallée ait été occupée depuis fort longtemps et peut-être de manière ininterrompue.

"Pierre borne" en forêt de Gérardmer
Témoin probable de l'ancien duché de Lorraine

A une époque qui semble être celle du bronze les Ligures s'installent en Lorraine. Venant de l'est, sont-ils passés par nos monts? Puis ce sont les Celtes qui semblent avoir pris leur suite au cours de l'âge du fer. Faut-il leur attribuer les pierres levées, à cupules et autres "Roches" à légendes qui donnent âme aux lieux? La période romaine leur succède et la "Pax Romana" s'étend sur le pays lorrain. Les témoins archéologiques de cette période sont nombreux et d'une grande diversité, allant des amphithéatres grandioses à de minuscules statuettes et pièces d'orfèvrerie ou de monnaies. Mais on n'en connait pratiquement pas dans la vallée de Gérardmer.

Dans les premiers siècles après J.C. les invasions germaniques poussent devant elles les Francs Ripuaires qui remontent les vallées de la Moselle et de la Meuse tandis que les Allamands franchissent les Vosges. L'invasion des Huns vers 450 et la dévastation des campagnes ajoutent à la désolation germanique. Avec le temps et grâce à l'aide de l'Église une paix durable finit par s'installer entre les différents groupes de population. Avec la paix reviendra la prospérité.

Paix et prospérité qui seront souvent remises en cause. La Lorraine n'a pas oublié le passage des armées et des envahisseurs et Gérardmer la retraite des troupes d'occupation à la fin de la guerre 39-45.

Le début de Gérardmer se situerait au lieu-dit "CHAMP". Approximativement à l'emplacement du cimetière actuel dont la chapelle serait construite sur les ruines de l'église primitive de la ville, sur celles d’une maison datant de 1070 attribuée à Gérard d’Alsace et, peut-être même, sur celles d’un ermitage plus ancien. Ermitage qui aurait été contemporain de celui installé sur le site de Longemer. La dénomination "GERAMER" est connue par un acte de 1285 dont la trace nous est donnée par une copie du 16ème siècle, elle-même prise d’une copie latinisée du texte original initialement rédigé en Français à l’époque de Ferry III

Vue de l'église avec son clocheton (supposée être celle de 1731)

Il faudra attendre 1540 pour qu'une première chapelle paroissiale soit édifiée sur le territoire de Champ, à l'emplacement, dit-on, de la chapelle actuelle du cimetière. C'est en 1731 que sera construite, au lieu qu'elle occupe aujourd'hui, l'église de Gérardmer dédiée à saint-Barthélemy. Construction qui se fit après qu'on ait détruit à la poudre à canon une grosse pierre, connue sous le nom de "Pierre de l'Auméreye" (orthographe incertaine), qui aurait été localisée juste à l’emplacement du chœur de l’église d’avant 1940.

Jusque vers les 15–16ème siècles, d'où qu'on vienne, ce n'est qu'à pied qu'on peut accéder à Gérardmer. Des villages comme Liezey, Vagney ou Le Valtin ont une existence attestée alors que notre ville n'est encore qu'un groupe d'habitations isolées, dispersées au sein d'un territoire placé sous la juridiction de divers féodaux religieux et civils.

Avant ces époques lointaines on pense que Charlemagne, qui avait une maison à Champ-le-Duc, a pu venir dans nos vallées pour y chasser. Ce n’est cependant pas suffisant pour accréditer la légende de la "Pierre Charlemagne" qui conserverait la trace du sabot du cheval de l’Empereur.

Le Saut des Cuves
Dans le même secteur :
La Pierre Charlemagne
Le Pont des Fées
La Roche St Colomban

Ce type de pétroglyphes se retrouve en effet dans d’autres lieux – où d’évidence Charlemagne ne s’est point trouvé - et, à d’autres époques, contemporaines des mains sculptées dans la pierre, bien antérieures donc à l’an 800.

L’évangélisation de nos contrées ne s’est guère faite avant le début du 6ème siècle, sous l’impulsion de saint-Colomban, fondateur de Luxeuil, et de ses compagnons ou disciples.

Compte tenu des parentés, existant entre le patois local et certaines composantes patoisantes du dialecte Wallon, il n’est pas interdit de penser, sans pouvoir forcément le démontrer, qu’une occupation Franque a pu se produire dans la région. En effet, vers la fin du 4ème siècle, Clovis et les Francs Saliens soumirent les Gaules. Certaines de ces tribus occupèrent la Belgique, les Ardennes et, sans doute avec les Francs Ripuaires, une bonne partie de l’est de la France. Cette invasion débuta vers le 3ème siècle. Elle se poursuivit jusqu’à l’établissement du royaume Franc christianisé dirigé par Clovis. Christianisation qui se fit à l’instigation de saint-Rémy, évêque de Reims, avec l’appui de la reine Clotilde. Ces Francs, de la lignée de Mérovée, avaient sans doute une lointaine origine germanique et païenne. De leurs rangs étaient issus, sous l’époque romaine, les prêtres chargés du culte de Mars qui fut une vieille divinité agraire avant d’être le dieu de la guerre.

Vestiges d'un Temple romain
Musée de Deneuvre près Baccarat.

Avant cette époque, et en raison de vestiges supposés druidiques ou celtiques, on pense que des populations de ce type ont pu s'établir dans la contrée. Bien que le Musée Départemental d’Epinal soit riche d’antiquités gauloises et gallo-romaines, rien à ce jour ne vient appuyer cette thèse pour les parages de Gérardmer. Il est par ailleurs à peu près établi que les légions romaines, passées dans la région de Saint-Dié, ne sont pas venues jusqu'à notre lac.

En l’absence de preuves probantes, nous n’irons pas plus avant dans notre tentative d’élucidation du passé antique de la vallée. Nous ne reprendrons pas non plus ici les très nombreuses descriptions qui ont été faites de Gérardmer, de son histoire connue et supposée, de son environnement, de ses évolutions industrieuses. Nous renvoyons pour cela à l'abondante littérature dont nous donnons une liste non exhaustive dans cet ouvrage.

Nous préférons nous concentrer sur quelques particularités qui nous semblent avoir été peu développées, bien qu'à leur sujet quelques batailles picrocholines aient pu faire rage.

Vers Gérardmer depuis Vagney (Nol)

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