N'allons pas trop vite en effet

Il ne nous appartient pas de trancher entre la "maison" (meix-maix) et le lac (mer). Sans récuser l'éminent patronage de Gérard d'Alsace, ou de tout autre Gérard, quatre faits retiennent notre attention en ce qu’ils semblent indiquer comme discutable la référence au duc ou à un homonyme :

- la date de la mort du duc, en 1070, attestée par un écrit du Chapitre de Remiremont, coïncide curieusement avec celle de l'édification de la maison qui aurait donné le nom de la ville "GERARD-MEIX ou MAIX". Mais ce nom n'apparaît qu'au 14ème siècle.

- les habitants de Champ obtiennent, en 1540, permission de construire, à l'emplacement de l'actuelle chapelle du cimetière, une chapelle dédiée à saint- Gérard et saint-Barthélemy, à proximité, dit-on, des ruines de la maison de Gérard. La formation du nom en "GERARDMER" apparaît pour la première fois aux alentours de 1565.

- le nom des habitants est GEROMOIS et celui de la délicatesse locale GEROME.

- l’Église elle-même n’accorde pas de crédit à la légende de Gérard d’Alsace et se rattache par défaut, si l’on en croit à nouveau l’Abbé Gilbert, à l’installation d’un ermite, contemporain de Bilon, sur le site de Champ, d’où il aurait développé le culte de saint Gérard, donnant ainsi son nom à la ville.

Avant d'aller plus loin dans notre discussion sur l'étymologie du nom de la ville nous prendrons le temps d’examiner un peu le patronyme de Gérard d'Alsace.

GERARD serait tiré du germanique et se traduirait par "Guerrier hardi" ou "lance ardente" (GER (lance) – HARD (ardent)).

GERALD est issu de GER, signifiant lance, et de "WALDAN" gouverner. Mais GER est aussi une partie du mot "GERO" qui signifie "porter en soi" dans tous les sens du terme et "ARD" est une partie du mot "ARDEO" qui a pour sens ardent, spontané, étincelant, impétueux, fort.

Notre ami GERARD réunit donc toutes les expressions de la puissance pénétrante du Feu. GER-ARD-me(a)ix (mer) serait-il "porteur de quelque chose" de lumineux? Peut être n'est-ce pas sans raison que l'auteur de l'image à la gloire de Gérardmer à représenté un Phénix au dessu du Blason de ce Gérard d'Alsace? 

ALSACE? L’origine de ce mot est très incertaine. Certains le font venir de "falaise" (falls, fells… alls, als…). On trouve une étymologie "Alsaciones" très ancienne proche de "Alisonia", du nom d’une petite rivière luxembourgeoise qui se jette dans la Moselle.
Et même, dans le langage berbère, le mot "ELSASSE", soit "les Ases", relatif à tout un peuple de vieux dieux germaniques et scandinaves.

L’une des étymologies possibles, selon nous, du mot "Alsaciones" pourrait dériver de "ALIS, ALS" qui signifie à la fois abondance et sel et d’une forme "ION, IOS…" en rapport avec la couleur violette, le dard pénétrant, le poison. Ces deux formes s’articulant autour de "AS, OS..", ceci, comme ... Comme pour indiquer que l’Alsace est "le pays de l’abondance du sel violet pénétrant".

Comment ici ne pas immédiatement penser aux mines de sel et de potasse ainsi qu’à tous leurs dérivés dont certains, très présents dans les sols, on pu donner des composés ou des dissolutions de couleur violette? Voire aussi aux composés salins qui se forment dans les tonneaux?

Et finalement, Gérard ou Gérald, dont nous venons de voir le caractère pénétrant, impétueux, ardent, inflammable ne serait-il pas synonyme d’Alsace aux sels éminemment actifs? N’y aurait-il pas ici une correspondance entre notre Gérard porteur de lance et les Michel ou Georges, cuirassés de blanc, terrassant les dragons ou perçant d’un trait la roche, "Christ-al", qui laisse alors s’écouler une eau mystérieuse?

On ne peut pas non plus négliger l’hypothèse selon laquelle les premiers habitants auraient eu l’esprit frappé par les imposants belvédères rocheux dominants. Ni celle selon laquelle c’est la fameuse "ligne bleue", qu’on voit flotter sur les sommets vosgiens, tant la pureté de l’air chargé de balsamine est grande, qui aurait marqué leur imaginaire.

On le voit, rien de tout cela, sauf une assez vague affaire de propriété, ne justifie un rapprochement direct entre Gérard ou Géraud et le nom de la ville de Gérardmer dont la riante vallée ne possède rien des vastes richesses de sa voisine Alsace. Cependant, une autre correspondance mérite d'être signalée.

Dans les temps reculés dont nous parlons, les habitants de Gérardmer s'étaient fait, avec la boissellerie, une spécialité du "salin" et de la potasse obtenus par calcination de végétaux et lavage des cendres. La qualité de ces productions était même assez réputée. Sel et potasse d'Alsace et de Gérardmer... un lien possible?

Ceci n’est pas sans évoquer la célèbre devise de l’Ecole Polytechnique "Souffre et Potasse pour l’X". L’X étant ici le symbole de la Connaissance par excellence. Rapprochement audacieux ? Pas si l’on considère le blason de la noble famille des Martimprey (D'azur à la fasce d'or chargée de trois étoiles de gueules) dont l'un des fondateurs connus fut Chevalier du Temple et mourut Croisé.

Cette noble famille eût un château situé en contrebas de la route de Gérardmer à Gerbépal à côté de la jolie chapelle sainte-Anne. Il ne reste plus rien de ce qui fut sans doute une fière bâtisse, construite plus pour l'agrément que pour la guerre, sur un site pour le moins étonnant puisque placé au col du même nom qui ne compte aucun élément défensif. La question du choix de ce site se pose d'autant plus qu'on trouve dans les environs immédiats des vestiges de mines, de forges, de l'eau et du bois en abondance pour le feu et la fabrication du salin déjà évoqué. Celui qui saura faire "parler" le blason ne sera donc pas surpris d'y trouver quelques allusions à la vieille science d'Alchimie.

Quoi qu’il en soit l'association Gérard et Alsace recouvre, on vient de le voir, quelque chose qui semble échapper à l'entendement immédiat. Poursuivons donc !

Selon plusieurs auteurs, le patois local contient le mot "Gé" ou "Jé" avec le sens de petit pré d’une dimension comprise entre une et trois journées de travail (Georgel : Toponymie du canton de Gérardmer). Selon l’étymologie des noms de villes comme Genève ou Gènes (Génua) "Gé" peut aussi évoquer la proximité d’un lac.

Pour notre part, nous avons entendu dire par un ancien que ce mot signifiait "le jet" qui servait à mesurer un champ à l'aide d'un galet d'un poids d'environ 300 grammes (vieux français "gect" ou "ject", soit l'espace délimité par le jet d'une pomme, mais aussi un jeu proche du palet). Le carré ainsi délimité correspondait à peu près à une journée de travail d'un homme de bonne constitution. Dans d'autres endroits cela définissait la "journée" (d'où le nom du "journalier") et, dans notre village natal de Meurthe-et-Moselle, la "hommée".

On retrouvera cette racine "Gé - JeT" dans le vieux mot français "argetant" qui désigne le Sagittaire et qui est composé des mots "arc" et "jeter". N'oublions pas que Gérard d'Alsace est un porteur de lance et sans doute d'armes de "jet".

Qu'il est à ce titre porteur de lumière car toutes ces armes de jet, qui ont pour principe le "foudre" de Jupiter, sont associées à la Lumière, à la Connaissance.

Avançons encore un peu. Dans les vieux langages romans et germaniques qui sont sans doute à l'origine du patois local, proche du dialecte Wallon, on trouve que la racine "AR" - dont on a vu précédemment qu'elle est une composante de "ardent" - signifie "au dessus de..." une "élévation", une proximité, mais aussi l’eau "AR" et le soleil "RA". On retrouvera cette racine, parmi les plus anciennes, dans le toponyme d'un grand nombre de lieux, villes et rivières. Certains auteurs l'y voient même dans le mot EUROPE et en font une racine fondamentale de la vieille langue gauloise. Langue qu'on retrouve dans le nom de la déesse Arduina, dans celui des Ardennes et dans celui de l'archer Artus, grand amateur de sangliers et dont le nom est en rapport avec l'ours qui a laissé quelques traces dans nos vieilles forêts. Comme à la "Basse-de-l'Ours" pour ne prendre que cet exemple.

On retrouve également cette racine dans des mots tels que artère, artière, artoire... qui sont en relation avec la notion d'écoulement, de canalisation, de source... mais aussi de terre. Elle est présente dans les mots ARTUS, ARTHUR..., l'ours en celte, qui est l’instinct sauvage, mais aussi le gardien des anciens savoirs... D’où le nom de nos constellations polaires qui conservent la tradition oubliée de l’axe d’inclinaison et de rotation de Gaïa, notre terre.

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